Sommes-nous dans une impasse musicale ?

Cette question fait suite à diverses demandes désignant le répertoire exploré par notre club comme vieillot, et réclamant une modernisation, une adaptation à une réalité plus actuelle.

C’est une question tout à fait recevable mais elle se heurte à une grande difficulté de mise en œuvre, qui dépasse les problèmes d’évolution de notre modèle (qu’on pourrait tout à fait envisager, au plan théorique : autres instruments d’accompagnement (guitare ? ukulele ? banjo ? etc.), autres chansons et interprètes… On pourrait résumer le problème ainsi :

Qu’est-il arrivé à LA MUSIQUE pour qu’une chanson qu’on propose accompagnée à la guitare, au banjo, ou au piano, n’ait plus rien à voir avec ce qui fait des records de ventes, d’audiences, et remporte des prix de toutes sortes ?

D’un côté, ce qui serait « chantable » apparaît désormais systématiquement comme vieillot, par contre ce qui est considéré comme « actuel » n’est plus chantable avec des moyens ordinaires.

Que faire et comment en sortir ?

État des lieux

Il ne s’agit pas tant d’accepter les goûts des « plus jeunes que nous » que de le raccorder avec une « faisabilité » dans le réel ! Déjà beaucoup de succès reposent sur du visuel (clip, apparence, chorés etc.) ils sont hors sujet par définition (sans dénigrer le domaine : c’est juste autre chose !). Ensuite beaucoup de trucs sont « produits » soit via des orchestrations, soit via des « installations » (le rap, avec ses platines etc.), soit via des instrumentations (batterie obligée, synthés, séquenceurs etc.) juste inaccessibles au mec lambda avec sa guitare dans sa chambre…

 

Et laissons de côté, dans ce dernier cas, les ambiances narcissiques closes (karaokés, versions orchestrales…), dont il existe des exemples « technologiques » réussis comme le britannique Tobby LEE 10 ans (en pyjama dans sa chambre) mais non utilisables pour qui n’a pas iPad + ampli haut de gamme + guitare Gibson d’origine numérotée ! (merci son Papa colectionneur et friqué !)… ni surtout son talent exceptionnel ! (c’est désormais un homme, guitariste chanteur et compositeur respecté qui a déjà sorti plusieurs albums de blues et de rock).

 

Oublions donc Aya NAKAMURA (pour le principe), et examinons les plus vendus en France en 2024 : Ninho ? Maes ? Angèle ? Dadju ? Jul  ? Pomme ? Hatik ? Gims ? Victor Solf ? Kalash ? C’est tout produit à mort, effets, machines à rythmes et à boucles, synthés, vocoders et auto-tune… dépouillé de tout ça et réduit en mélodie+accords (oserai-je dire : « musicalement » ?), il ne reste rien d’utilisable, on serait juste ridicules avec notre piano ou notre guitare sèche derrière une voix non traitée, à tenter d’y reprendre ! Sans parler des paroles souvent discutables (mais pas écoutées vraiment) ! À la rigueur Zaz ? Raphaël ? Keren Ann ? c’est encore assez limite en faisabilité réelle ! Après on tombe dans du plus abordable musicalement mais beaucoup moins connu car style « chanson française »  Lilian Renaud ? (régional)

Perspectives

    Notre marge de manœuvre peu sembler étroite, elle l’est moins qu’il ne semble en fait ! Car tout dépend du sens qu’on accorde au mot musique (ou au mot chanson !), en invitant juste à prendre un peu de recul et à réfléchir à ce qui fait une chanson, (par rapport à ce qui fait un tube).

    Ce qui est (ou reste) possible avec une guitare sèche, ou un piano seuls, s’inscrit dans une tradition ancienne, peut-être millénaire, d’humains voulant raconter des histoires avec leur voix en la modulant, lui donnant du relief par des variations de hauteurs et de durées. C’est très large et réparti sur la planète.

    Quand ce qu’on appelle chanson (ou musique) se met à dépendre de dispositifs spécifiques, qu’ils soient technologiques, visuels, contextuels voire sociaux ou communautaristes, c’est juste autre chose, et je suggère qu’il serait sage de lui trouver un autre nom pour arrêter de tout mélanger.

    Tout ça ne résout en aucune manière notre problème, juste il essaie d’en préciser le cadre ou les limites. Plein de portes restent ouvertes, à vous de dire ce qu’on peut trouver derrière… 

    Gérald

    vignette jpg de l'exposition des artistes de petite montagne au moulin du pont neuf en septembre 2020

    La calligraphie musicale est aussi un art… (partition personnelle)